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Trisha Brown

Trisha Brown Dance Company

www.trishabrowncompany.org

Trisha Brown est née à Aberdeen, Etat de Washington, en 1936 et décédée le 18 mars 2017 .
"Je ressemble à ma grand-mère dont les parents qui venaient de quitter Marseille arrivèrent en Amérique dans le Visconsin à un endroit appellé « French Island ». Elle avait cinq ans."
« J’ai commencé à apprendre à danser à Aberdeen, en prenant les cours d’un professeur, Marion Hageage, qui utilisait surtout la musique comme base de travail. J’ai étudié l’acrobatie, les claquettes, le ballet, et j’ai dansé sur la musique de jazz. J’avais alors moins de 15 ans, et mon cours ayant lieu en fin de journée, mon professeur était fatiguée : alors, nous retrouvant seules, nous dansions lentement, dans un style très jazz, ponctué de silences lourds de signification et de grands lancers de jambe. »

Etudes au Mills College d’Oakland en Californie (technique Martha Graham, composition Louis Horst). Deux étés à l’université du Connecticut où elle étudie Louis Horst, José Limon, Merce Cunningham. Diplômée du Mills, elle enseigne deux ans à Reed College et fonde le département de chorégraphie. Elle y découvre les méthodes d’improvisation.

« Au cours de l’été 1959, j’ai été retrouver Simone Forti, Yvonne Rainer et d’autres danseurs au stage de six semaines dirigé par Ann Halprin à Marin County, en Californie. Ann prenait pour base de sa chorégraphie des travaux, tel qu’un nettoyage à coups de balai, une action banale découlant d’une activité ordinaire et accomplie non comme si vous étiez en public, mais au contraire, seule, n’importe où, en train de balayer par exemple. Il y avait aussi des expérimentations avec le son, l’expression verbale et le chant en tant que matériau de base, et au-delà, des improvisations soit très définies, soit très libres, et jour et nuit, par des gens de grand talent. »

En 1960, elle part pour New York, où elle retrouve Simone Forti.

« Une fois là, j’ai continué à faire des improvisations avec Simone et Dick Levine, et pris les cours de Robert Dunn au studio de Merce Cunningham. Robert Dunn appliquait à la danse les concepts de John Cage sur le hasard et l’indétermination. »

En 1961 premier spectacle, Improvisations Structurées, avec Simone Forti et Dick Levine. En 1962, formation du Judson Dance Theater où vont se cotoyer Yvonne Rainer, Trisha Brown, Twyla Tharp, Simone Forti, Deborah Hay, David Gordon, Meredith Monk, Lucinda Childs, Rudy Perez, Steve Paxton..., et des plasticiens dont Bob Whitman, Claes Oldenburg, Jakson Mac Low, Robert Rauschenberg, Robert Morris, Bernar Venet, Sol Le Witt...

"Mon engagement avec Judson Memorial Church est la conséquence de mes cours avec Dunn et des compositions que nous exécutions. Judson était alors le seul lieu où nous pouvions donner des représentations et voilà comment ça a commencé. La première pièce que j’ai donnée à Judson s’appelait Trillium, et c’était une improvisation structurée aux mouvements exigeant énormément d’énergie, avec un rythme étrange et des silences complets comme si on s’arrêtait raide mort en cours de route.... Il existe une qualité particulière dans l’improvisation, qui ne se trouvait pas dans la danse jusqu’ici. Si on improvise à partir d’une structure, les sens sont augmentés.. on utilise sa tête, on pense, tout le corps fonctionne en même temps pour trouver rapidement la meilleure solution au problème donné sous la pression qu’exerce la vue des spectateurs.

Au contraire, à la même époque, des danseurs modernes se donnaient un regard glacial et brillant, se retranchant derrière ce regard pour se concentrer et donner le meilleur d’eux-mêmes, habitude compréhensible, mais qui donne malheureusement l’impression d’avoir à faire à des robots. A Judson, les danseurs respiraient tout haut, s’essoufflaient, suaient, parlaient de ce qui se passait. Ils commençaient à se comporter comme des êtres humains, révélant ce qu’on pouvait considérer comme des faiblesses aussi bien que leur talent. A la même époque, je composais A String en trois parties.

Pour la troisième partie, intitulée Inside (1966), je me tenais debout face à l’extrême gauche, je déchiffrais le mur comme une partition, tout en me déplaçant à travers la pièce jusqu’à l’extrême droite. Toute question se posant au sujet de la vitesse, de la forme, de la durée ou de la qualité d’un mouvement trouvait sa réponse dans l’information visuelle que me donnait le mur. Une étrange distribution des actions et des gestes résultait de l’assemblage architectural de l’alcôve, de la porte, de la peinture décollée, des tuyaux. Après en avoir terminé avec le premier mur, je repris ma position en face du deuxième et ainsi de suite avec le troisième et le quatrième. Donc, en spectacle, je me déplaçais le long du bord de la pièce, face aux spectateurs assis en formation rectangulaire, reproduisant l’intérieur de mon studio. Je marquais le bord de l’espace, laissant vide le centre de la pièce, le mouvement m’appartenant de façon spécifique et concrète, mais paraissant abstrait à l’auditoire. Et je les regardais. J’ajoutais le problème de regarder l’auditoire, pas « avec une intention », mais avec les yeux ouverts, et qui voient....

Dans Planes (1968), première danse d’une série qu’on appellera les Equipment pieces, je construisis un mur de 4 mètres par 5 mètres cinquante avec des trous percés à intervalles égaux sur toute sa surface, et qui fonctionnaient comme des prises de pieds et des prises de mains, et permettant à trois danseurs de tourner, de descendre et de monter tout en tournant très lentement et dans toutes les directions en donnant une impression de chute libre. La perspective des spectateurs changeait. Le mur du fond de la scène était devenu comme le plancher de l’auditorium.

En 1970 formation du Grand Union à l’initiative d’Yvonne Rainer au sein duquel se retrouvent les artistes du Judson Theatre. Trisha Brown crée sa compagnie.

« Je continuai à construire à la fois l’environnement et la danse. Man Walking Down The Side Of A Building (1970) était exactement comme le titre : 7 étages. Activité naturelle sous la pression d’un cadre non naturel. La gravité reniée. Vaste échelle. Ordre clair. On commence au sommet, on descend tout droit, on s’arrête en bas. Toutes les questions vaseuses qui surgissent quand on sélectionne le mouvement abstrait selon la tradition de la danse moderne, quoi, quand, où et comment, se résolvent pour la collaboration entre le chorégraphe et le lieu...

Floor Of The Forest a été représenté dans une structure tubulaire de 3,50 m x 4,20 m, en travers de laquelle s’étendait un réseau de cordes très dense, nouées avec des vêtements : les manches étaient attachées aux jambes de pantalon et formaient une superficie rectangulaire solide. La structure était suspendue à l’horizontale à hauteur du regard au centre de la pièce vide. Deux personnes s’habillaient et se déshabillaient en s’y frayant un passage. Cela se passait aussi naturellement que possible. Activité normalement accomplie horizontalement et reformée par l’attraction de la gravité. C’était puissant. Une grande tension et un énorme effort étaient nécessaires pour soutenir le poids du corps pendant qu’on se trouve aux prises avec boutons et fermetures à glissière. Nous nous reposions de temps en temps, et quand nous nous reposions tout en étant pendus, un vêtement devenait un hamac. Les spectateurs devaient se pencher pour voir les acteurs suspendus ou en train de grimper au-dessus de la structure, ou bien ils se dressaient pour voir ce qui se passait par dessus. Ils devaient choisir la partie de la danse qu’ils voulaient voir. »

1971 : début de la série des Accumulation.

"La première représentation de Accumulation durait quatre minutes et demie. Le premier mouvement : rotation du poing avec l’index étendu, devait avoir lieu sept ou huit fois. Le deuxième mouvement s’y ajoutait et un et deux avaient lieu huit fois. Le troisième mouvement s’y ajoutait et un, deux et trois se répétaient, déclenchant bientôt un mouvement du corps entier. Au début, l’addition des mouvements se faisait de façon numérique, mais plus tard, des mouvements s’intercalèrent et le spectacle progressa dans plusieurs directions, en prenant plus d’ampleur que de longueur. La deuxième représentation eut lieu en silence et dura cinquante-cinq minutes. Je travaillai sur scène pour essayer de conserver la clarté et l’indépendance de chaque mouvement, en luttant contre l’effet d’estompage créé par la répétition implacable. Ce qui me venait à l’esprit était « c’est tout ce qu’il y a ». Le tempo était principalement constant, mais ses fluctuations dépendaient des changements de température et de la fatigue. Puisqu’il n’y avait pas de musique, ces changements étaient sans importance. La danse et sa structure étaient visibles et ultra-simples. Aucun mouvement n’avait de sens au-delà de lui-même. Et je ne m’étais jamais sentie plus vivante, plus expressive et plus révélée sur scène. Le résultat de cette chorégraphie qui dépasse ce à quoi le public est habitué, c’est qu’on découvre ce qu’on peut faire, et ce que sont vos limites personnelles. C’est là que surgit la possibilité de faire ce qui n’est pas intéressant pour votre public, ce que l’on n’a pas jusqu’ici considéré comme acceptable pour un auditoire...

La version définitive de Group Primary Accumulation était destinée à quatre danseurs sur quatre radeaux sur un lac. La danse/danseurs étaient libres de dériver et de tournoyer en une relation spatiale continuellement changeante et en un ensemble non précisé. "
1973, premières représentations en France. A partir de 1979 Trisha Brown entame des collaborations avec ses amis plasticiens, Robert Rauschenberg, Donald Judd, Nancy Graves, Fujiko Nakaya.

"Je veux dire qu’entre 1961 et 1974 à peu près, ce fut une très riche période d’échanges entre les arts visuels et la danse. Ce qui m’importait, c’était de regarder, d’écouter et d’apprendre à connaître. (...) J’allais voir les expositions de ces artistes et ils m’expliquaient ce qu’ils faisaient. Par exemple, j’ai vu l’expo de Rauschenberg au musée juif de New York : il avait peint son lit et l’avait dressé contre le mur. C’était une oeuvre stupéfiante. Pour la première fois, je comprenais pourquoi on pouvait préférer devenir plasticien plutôt que danseur. C’était vivant, anarchique, essentiel.

Puis les artistes sont venus au Judson, surtout dans la dernière période, et ont participé très activement aux spectacles. Je vous avouerai qu’à Mills College, je ne savais pas encore si je voulais faire de la peinture ou de la danse. Comme j’avais étudié la danse, je me suis dirigée vers ce que je connaissais mais j’étais très intéressée par ce que je ne connaissais pas. J’ai d’ailleurs vécu à la frontière des deux jusqu’aux Accumulation avec lesquelles je suis vraiment entrée dans le domaine de la danse. Lorsqu’il collabore à mes scénographies, Bob Rauschenberg qualifie son travail de « présentation visuelle ». La relation entre les images-diapositives et Films et ce qui se passe dans la danse est tout à fait aléatoire. Mais la simultanéité de ces deux éléments provoque forcément une interaction. A la fin cela fait un tout."

En 1981, avec Son Of Gone Fishin’ elle introduit la musique dans ses pièces en collaborant avec Robert Ashley et Richard Landry puis avec Peter Zummo, Laurie Anderson, John Cage.

« Vous voulez savoir pourquoi j’ai commencé à travailler avec la musique ? J’ai pensé que la danse était devenue assez forte pour être indépendante de la musique et que les deux choses pouvaient se produire simultanément sans fatiguer le public. (...) La musique peut être envisagée de différentes façons comme un élément positif pour la danse et je crois qu’avoir dansé toutes ces années sans musique m’a rendue très forte. Ma danse existe. Musique, décor et danse peuvent coexister. »

En 1983, avec Set and Reset, en collaboration avec Robert Raushenberg et sur une musique originale de Laurie Anderson, elle complète son premier cycle de travail, Unstable Molecular Structures et établit le style géométrique fluide, bien qu’imprévisible, qui est la marque de son travail.

Suit la très athlétique Valian Series, puis l’oeuvre puissante Newark (1987) et Astral Convertible (1989) – elle pousse ses danseurs au-delà de leurs limites physiques et explore la notion de genre à travers le caractère sexué du mouvement.

Ensuite, vient l’élégant et mystérieux cycle intitulé Back to Zero, dans lequel Trisha Brown s’éloigne d’une virtuosité formelle pour explorer le mouvement inconscient. Le cycle comprend Foray Forêt (1990) et
For M. G. : The Movie
(1991).

En 1994, avec If you couldn’t see me, pièce dans laquelle elle danse dos au public, Trisha Brown signe sa dernière collaboration avec Robert Raushenberg.

Trisha Brown se tourne alors vers la musique classique et l’opéra, en initiant un nouveau cycle connu sous le nom de Music Cycle.
En 1995, elle crée M.O. sur l’Offrande musicale de Jean-Sébastien Bach, considéré comme un chef d’oeuvre par Anna Kisselgoff du New York Times.
Trisha Brown continue son travail avec de nouveaux collaborateurs comme le peintre Terry Winters et le compositeur Dave Douglas, donnant naissance à une trilogie chorégraphique El Trilogy (2000).

En 2003, elle crée Present Tense, sur une musique de John Cage, avec l’artiste et amie de longue date Elizabeth Murray.

Trisha Brown fait ses premiers pas dans le monde de l’opéra en 1986 en chorégraphiant Carmen. En 1998, elle met en scène l’Orfeo de Claudio Monteverdi. Depuis lors, Trisha Brown a mis en scène Luci Mie Traditrici (2001), Winterreise (2002), et Da Gelo a Gelo (2006) et plus récemment Pygmalion (2010).

Dans les pièces suivantes, Trisha Brown continue d’explorer de nouveaux territoires. En 2004, elle crée O zlozony/O composite, pour trois étoiles du ballet de l’Opéra de Paris, avec ses fidèles collaboratrices Laurie Anderson et Jennifer Tipton.

Puis, en 2007, elle fait une incursion dans le monde des nouvelles technologies avec I love my robots, en collaboration avec l’artiste japonais Kenjiro Okazaki.
Sa mise en scène de l’opéra-ballet Pygmalion de Rameau, a donné naissance à deux pièces dansées L’Amour au théâtre (2009) et Les Yeux et l’âme (2011).

La dernière pièce de Trisha Brown, I’m going to toss my arms – if you catch them they’re yours est réalisée en 2011 en collaboration avec Burt Barr pour la scénographie et Alvin Curran pour la musique.