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George Méliès : films célèbres et films inédits

1989 - automne

vendredi 13 octobre à 21h | théâtre des Bernardines

En présence de Jean Charconnet-Méliès
 

Les films sont accompagnés au piano par Eric Leguen
 

Le coffre enchanté, 1904
Le rêve du maître de ballet, 1903
Raid Paris-Monte Carlo en 2 heures en automobile, 1905, couleur
Un prêté pour un rendu, 1903
Barbe-Bleue, 1901
Le bourreau turc, 1903
Satan en prison, 1907
Voyage dans la lune, 1902
L’homme-orchestre, 1900
L’oracle de Delphes, 1903
Le maître do-mi-sol-do, 1906
Les hallucinations du baron de Münchhausen, 1911
Le fakir de Singapour, 1911
L’homme-mouche, 1902, couleur
 

Diableries. Apparitions, disparitions, métamorphoses, les films de Méliès descendent de l’imaginaire diabolique des fantasmagories des lanternes magiques. Le diabolique, c’est l’incroyable devenu vrai. Et qui est le diable ? Méliès bien sûr, dont c’est le rôle favori et qui disait : "Quand j’incarne le diable, je signe Méliè, parce que Méphisto fait l’s".
 

Les trucs
« Il est impossible dans cette causerie, déjà longue, d’expliquer en détail l’exécution des trucs cinématographiques ; il faudrait pour cela un ouvrage spécial ; et encore la pratique seule pourrait bien faire comprendre le détail des procédés employés, lesquels comportent des difficultés inouïes. Je puis sans forfanterie, puisque tous les professionnels veulent bien le reconnaître, dire ici que c’est moi-même qui ai successivement trouvé tous les procédés dits "mystérieux" du cinématographe. Tous les éditeurs de vues composées ont suivi plus ou moins la voie tracée, et l’un d’eux, le chef de la plus grande maison cinématographique du monde (au point de vue de la grande production à bon marché) m’a dit à moi-même : "C’est grâce à vous que le cinéma a pu se maintenir et devenir un succès sans précédent. En appliquant au théâtre, c’est-à-dire des sujets variables à l’infini, la photographie animée, vous l’avez empêchée de tomber, ce qui serait rapidement arrivé avec les sujets de plein air, qui fatalement se ressemblent, et auraient vite fatigué le public".
J’avoue sans fausse honte que cette gloire, si gloire il y a, est celle de toutes qui me rend le plus heureux. Veut-on savoir comment me vint la première idée d’appliquer le truc au cinématographe ? Bien simplement, ma foi. Un blocage de l’appareil dont je me servais au début (appareil rudimentaire, dans lequel la pellicule se déchirait ou s’accrochait souvent et refusait d’avancer) produisit un effet inattendu, un jour que je photographiais prosaïquement la place de l’Opéra ; une minute fut nécessaire pour débloquer la pellicule et remettre l’appareil en marche. Pendant cette minute les passants, omnibus, voitures, avaient changé de place, bien entendu. En projetant la bande, ressoudée au point où s’était produite la rupture, je vis subitement un omnibus Madeleine-Bastille changé en corbillard et des hommes changés en femmes.
Le truc par substitution, dit truc à arrêt, était trouvé et, deux jours après, j’exécutai les premières métamorphoses d’hommes en femmes et les premières disparitions subites qui eurent, au début, un si grand succès. C’est grâce à ce truc fort simple que j’exécutai les premières féeries : Le manoir du diable, Le diable au couvent, Cendrillon, etc... un truc en amène un autre ; avant le succès du nouveau genre, je m’ingéniai à trouver de nouveaux procédés et j’imaginai successivement les changements de décors fondus, obtenus par un dispositif spécial de l’appareil photographique, les apparitions, disparitions, métamorphoses obtenues par superposition sur fond noir ou parties réservées dans les décors, puis les superpositions sur fonds blancs déjà impressionnés (ce que tous déclaraient impossible, avant de l’avoir vu), et qui s’obtiennent à l’aide d’un subterfuge dont je ne puis parler, les imitateurs n’en ayant pas encore pénétré le secret complet. Puis vinrent les trucs de têtes coupées, de dédoublement de personnages, de scènes jouées par un seul personnage qui, en se dédoublant, finit par représenter à lui tout seul jusqu’à dix personnages semblables, jouant la comédie les uns avec les autres. Enfin, en employant mes connaissances spéciales des illusions, que vingt-cinq ans de pratique au théâtre Robert Houdin m’ont données, j’introduisis dans le cinématographe les trucs de machinerie, de mécanique, d’optique, de prestidigitation, etc..., etc... Avec tous ces procédés mêlés les uns aux autres et employés avec compétence, je n’hésite pas à dire qu’en cinématographie, il est aujourd’hui possible de réaliser les choses les choses les plus impossibles et les plus invraisemblables.
Quoiqu’il en soit, c’est le truc intelligemment appliqué qui permet de rendre le surnaturel, l’imaginaire, l’impossible même, visibles, et des réaliser des tableaux vraiment artistiques qui sont un véritable régal pour ceux qui savent comprendre que toutes les branches de l’art concourent à leur exécution. »

Georges Méliès, in La revue du cinéma, 1929


 

Notice biographique
 

Georges Méliès est né à Paris, le 8 décembre 1861. Etudes au Lycée Louis-le-Grand. Après son service militaire, il séjourne un an à Londres. Il apprend la mécanique dans l’usine de son père. A ses heures de loisir, il imite la plupart des automates de Robert Houdin. Les ayant vus de loin fonctionner sur scène, il exécute des répliques de l’Arlequin, Auriol et Debureau, La garde française, La tête de Belzebuth, L’étoile aux cartes, La chauve-souris révélatrice et fabrique des appareils mus par l’électricité tels que La guirlande magique et Le tableau de fantaisie.. Il donne des séances de prestidigitation au théâtre de la galerie Vivienne, au Cabinet fantastique du musée Grévin. Il compose de nombreux tableaux et décide de se consacrer à la peinture mais, devant l’opposition de son père, il abandonne son projet. Il devient, en 1888, propriétaire et directeur du théâtre Robert Houdin, multiplie les tours de répertoire et les trucs.
1895 : Georges Méliès est, avec Lumière, Pathé, Gaumont, l’un des pionniers de la cinématographie. 1896 : le premier, il transforme en salle de projection le théâtre Robert Houdin. La même année, il construit à Montreuil-sous-Bois le premier studio de prises de vues et fonde la maison d’édition Star Film. Pendant la période boulangiste, Méliès est dessinateur attitré du journal anti-boulangiste La Griffe sous le pseudonyme de Géo-Smile. Scénariste, décorateur, metteur en scène, vedette des films qu’il invente, Georges Méliès, en utilisant le cinématographe pour créer un spectacle sur l’écran, le premier toujours, il fait naître de grandes illusions.
1897 : il fonde la Chambre Syndicale de la Cinématographie Française
et peu après, la Chambre Syndicale de la Prestidigitation dont il est élu président. Il décide d’ouvrir une succursale aux Etats-Unis, envoie son frère à New York en 1905. Il préside en 1908 et 1909, les deux premiers congrès internationaux de cinéma. Résultat : unification du pas des perforations dans le monde entier.
Edison obtient le monopole de l’exploitation des films ; impossible de se maintenir aux Etats-Unis. 1914, la guerre, la ruine. Georges Méliès perd sa maison d’édition. 1923 : il perd don studio et, par expropriation, le théâtre Robert Houdin. On le nomme membre d’honneur de la chambre syndicale du cinéma dont il est le fondateur, on mange en son honneur dans un banquet, on ne le décore pas. Georges Méliès tient une boutique de jouet et de confiserie dans une gare.
Après 1912, l’oeuvre de Méliès, en grande partie détruite ou dispersée, tombe rapidement dans l’oubli.
Pour faire découvrir Méliès, il fallait retrouver ses films. Depuis 1945, une longue quête de la famille Malthête-Méliès a permis de retrouver près de 150 films par l’intermédiaire de cinémathèques, des archives du film, de collectionneurs et de forains, alors qu’il n’en restait que huit en France.
Madeleine Malthête-Méliès, petite-fille de Georges Méliès, qui a vécu avec lui jusqu’à l’âge de 15 ans, a cherché depuis 40 ans les films de son grand-père dans le monde entier.
Marie-Hélène Méliès, arrière-petite-fille de Georges Méliès, monteuse de films, veille à l’entretien des copies retrouvées dans le monde entier.