mercredi 8, jeudi 9 et vendredi 10 octobre à 22h30 à Montévidéo
en partenariat avec actOral.7
création en octobre 2003 au Forum, scène conventionnée du Blanc Mesnil - production association du 48 - coproduction Forum,
scène conventionnée du Blanc Mesnil - avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France/Ministère
de la Culture et de la communication et du Conseil général de la Seine-Saint-Denis - production déléguée lelabo
chorégraphie et interprétation
Sylvain Prunenec texte Célia Houdart scénographie Elise Capdenat conception musicale et interprétation live Fred Bigot lumière Gilles Gentner
Effroi, poème (extrait)
[...]
comme soigneusement on relève les distances sur les cartes marines
j’observe les premières étoiles
la force des courants
la trajectoire d’un poisson volant
l’eau se gonfle d’une longue respiration noire
[...] un homme porte un carré de laine grise roulé en bandoulière
un autre en me voyant serre un mouchoir dans sa main gauche
[...] nous allons je ne sais pas combien
je ne vois presque rien
un nuage de terre rouge se soulève au-dessus de nous et retombe
longues haltes inexplicables
[...] les hommes font tenir des éclats de silex translucide entre mes paupières
enfoncent une aiguille d’or dans ma lèvre inférieure
tressent un petit paravent de plantes pour que j’aie de l’ombre
des abeilles font une ruche dans ma bouche
je ne m’en avise qu’au bout d’un moment
[...] je m’endors
« Qu’est-ce qu’être entier et l’identité est-elle une et indivisible ? », s’interroge
Sylvain Prunenec. Depuis 1998, ce doute irrigue la recherche du chorégraphe. Passée au crible de l’expérimentation, la cohérence supposée du corps révèle d’insoupçonnables interstices. Le mouvement alors se délie et se décompose, ses mécanismes habituels sont déroutés.
L’unité du corps tombe en morceaux, ouvrant sur un territoire de possibilités, un monde à naître.
Au détour de cette exploration,
Sylvain Prunenec a trouvé des échos à ses préoccupations dans plusieurs récits mythologiques traitant du corps démembré. Mais certains épisodes du mythe d’Orphée ont éveillé en lui des résonances singulières, notamment le moment final où la tête coupée d’Orphée dérive au fil de l’eau en continuant de chanter. La voix ici revêt
une importance extrême : elle est la manifestation ultime et subtile de cette continuité identitaire dont le corps disloqué ne peut plus témoigner. Si « Effroi » teste le mouvement aux limites de l’éclatement, les différents états de la danse sont noués les uns aux autres par la voix de Prunenec, portant les poèmes de Célia Houdart, et par l’intensité de la musique électronique, jouée « live » par le compositeur Fred Bigot.
Jeu existentiel entre dispersion et recomposition, « Effroi » pose sans cesse la question du territoire. Territoire intime du corps, exploré comme une cartographie fluctuante de chemins internes, toujours à reconfigurer. Mais aussi territoire extérieur.
Sylvain Prunenec a fait appel à la scénographe Élise Capdenat pour construire un espace de la mesure - ou de la démesure - du corps. Sorte de carte inscrite au sol, le décor imaginé par Capdenat revêt mille connotations. Baigné dans les lumières de Gilles Gentner, le danseur y apparaît minuscule, accroché sur les courbes de niveaux d’une carte immensément agrandie. Mais n’est-ce pas plutôt un cerveau vu en coupe qui accueille les évolutions d’un Prunenec atomisé ? À moins que sa danse ne s’enroule et ne se déroule autour d’une forme sans âge - coquille, fossile ou matrice ? Un dialogue se tisse entre territoires externe et interne, chacun mesurant et modulant la perception de l’autre, en une réinvention continuelle.