jeudi 15, vendredi 16 et samedi 17 février 1996 au théâtre des Bernardines
Remerciements à D.C.A-Philippe Découflé et à la Ménagerie de Verre
avec : Claire Haenni, Éric Houzelot, Yseult Roch, Frédéric Seguette, Gisèle Tremey
« Mon engagement de danseur auprès de Caterina Sagna pour le spectacle Quaderni in ottavo et la reprise de Lenz, puis comme assistant à la mise en scène de Philippe Découflé pour les cérémonies des Seizièmes Jeux Olympiques d’hiver d’Albertville et de la Savoie, ont été les deux expériences personnelles, artistiques et financières déterminantes à l’élaboration de Nom donné par l’auteur (1993) et Jérôme Bel (1994). »
« ne permettez pas à un comédien de s’oublier, sauf s’il pousse cet oubli de lui jusqu’à pisser face au public. Il faudrait les obliger à rêver - ceux qui n’ont pas à parler - la mort de leur fils ou celle de leur belle-mère bien-aimée, ou qu’un voyou les dévalise, ou que le public les voit nus. »
« Voici un des énoncés qui a précédé l’élaboration de ce spectacle.
Vous êtes le public, vous occupez la salle.
A l’opposé, nous occupons la scène, nous sommes le privé. »
« Jérôme Bel est passé de l’autre côté de la danse, dans un espace étrange qui n’est pas vraiment celui du théâtre, ni d’avantage celui de la performance. Ce spectacle, entièrement fondé sur la nudité, arrive au rayon des "objets non identifiés" avec un goût déroutant et entêtant. Ne se fondant dans aucun des signes de l’époque, la chorégraphie de Jérôme Bel expose crûment des états de corps, neutralise les effets excessifs du mouvement, déstabilise les conventions scéniques. »
« La salle de spectacle est un espace social obéissant à des règles spécifiques. Je veux considérer sa scène comme un lieu d’absolue liberté.
Dans le théâtre, aucune lumière extérieure ne doit filtrer, les murs sont habituellement recouverts d’un noir mat et des portes-sas assourdissent les bruits indésirables. (La fonction du théâtre justifie toutes ces précautions : un lieu neutralisé, le degré zéro de l’espace architectural, permettant d’y créer un univers indépendant et autonome, par exemple un château au Danemark.) Face à cet isolement volontaire, j’ai pensé orienter l’espace de la scène, établir un lien avec la ville, avec la planète en indiquant les quatre points cardinaux, déterminés par le magnétisme terrestre auquel nous sommes tous soumis. Le théâtre y compris, malgré son acharnement à échapper au moindre rayon de soleil. Ainsi en introduisant cette référence, non pas symbolique mais naturelle et réelle (la disposition des nord, sud, est et ouest respecte à chaque fois l’orientation géographique de la salle). J’ai voulu produire un flux de la scène vers le monde.
Diamétralement opposé à cet axe théâtre/globe terrestre se situe ma maison. C’est là que s’est élaboré le spectacle, avec du moins les objets ordinaires qu’elle contient. Le théâtre n’est plus qu’un relais entre la maison et le monde, l’intérieur et l’extérieur, le privé et le public.
J’ai voulu mettre le spectateur face à sa responsabilité de spectateur, de se constituer spectateur actif. La systématique mise en place, l’absence d’illusionnisme théâtral, les images arrêtées, les noirs répétés, la neutralité des interprètes sont les éléments nécessaires d’un spectacle en creux susceptible de provoquer l’investissement du spectateur. C’est à lui de remplir les vides, de développer les images, de faire surgir le sens. La réification des codes théâtraux et chorégraphiques doit amener le spectateur à une attitude réflexive. »